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Dr Nahum Sonenberg et ses contributions scientifiques à la biologie de l'ARNm

Dr Nahum Sonenberg et ses contributions
scientifiques à la biologie de l'ARNm

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Au sujet de la recherche à fort impact du Dr Sonenberg

Les vaccins à ARNm sont une percée en innovation scientifique démontrant la vitesse et la flexibilité de réponse à une pandémie globale. Une énorme contribution à cette avancée scientifique fut les années et décennies de recherche scientifique fondamentale de base appliquées à notre compréhension de l'ARNm, la façon dont celui-ci est fabriqué (transcrit), et comment il est ensuite lu et transformé en protéines (traduction). Les contributions du Dr Nahum Sonenberg à la recherche en biologie du cancer, avec son approche de l'ARNm, furent intégrées dans cet effort complexe. 

L'une des retombées de la récente pandémie mondiale a été l'introduction dans le monde d'une nouvelle forme de vaccins composés d'ARN “messager” ou ARNm. L'ARNm agit comme intermédiaire, permettant à l'information génétique codée par l'ADN d'être lue et traduite en protéines. Les protéines jouent un rôle essentiel dans les fonctions de notre biologie, puisqu'elles donnent une structure à nos cellules et à nos tissus, elles participent à une multitude de réactions chimiques et de signaux dans l'organisme, y compris la production d'anticorps et de d'autres molécules immunitaires. L'objectif d'un vaccin est de faire en sorte que l'organisme génère une réponse immunitaire protectrice impliquant, dans un premier temps, la production d'anticorps et, à terme, la génération de cellules immunitaires mémoires qui pourront être rappelées à l'action à une date ultérieure, lorsque l'organisme sera exposé au virus. À ce jour, la plupart des vaccins sont composés de virus tués ou inactivés ou, dans certains cas, de protéines virales cultivées en laboratoire.

L'utilisation de l'ARNm comme composant d'un vaccin repose sur la capacité des cellules de l'organisme à absorber l'ARNm et à fabriquer des protéines, ou en d'autres termes, nos cellules deviennent les “usines” qui produisent les protéines nécessaires pour stimuler la réponse immunitaire. Cette méthode est potentiellement plus sûre car aucun virus ou protéine virale n'est directement injecté dans l'organisme et l'ARNm est rapidement éliminé de notre système - généralement en quelques heures ou quelques jours. De plus, les vaccins à ARNm permettent de n'être exposé qu'à une partie spécifique de la protéine virale. Ils offrent une certaine souplesse, car en modifiant les séquences de l'ARNm, il est possible de créer un nouveau vaccin contre un nouveau virus ou un nouveau variant. La société pharmaceutique Moderna a pu, en un temps record de 42 jours, prendre la séquence génétique du SARS-Cov2 partagée par des chercheur.es chinois sur l'Internet, sélectionner la séquence de la protéine spike et préparer un candidat vaccin ARNm prêt à être testé chez l'homme (voir l'article du Boston Magazine). La rapidité et la flexibilité du développement du vaccin ARNm contre le SRAS-Cov2 n'ont été possibles que grâce aux décennies de travail préparatoire des scientifiques qui ont étudié et compris les mécanismes de traduction de l'ARNm en protéine et la manière dont ce processus est régulé. 

Les vaccins à ARNm sont une percée en innovation scientifique démontrant la vitesse et la flexibilité de réponse à une pandémie globale

2012, une nouvelle collaboration avec Moderna

En 2012, Moderna a sollicité l'opinion de Nahum Sonenberg, un professeur et chercheur à l'Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman de l'Université McGill qui est un expert en biologie de l'ARN et qui étudie les mécanismes de traduction de l'ARNm. Sonenberg et Yuri Svitkine ont rapporté en 2017 dans la revue Nucleic Acids Research que la modification de l'un des acides nucléiques de l'ARNm, l'uridine, en N1-méthylpseudouridine permettrait toujours à la molécule d'être lue pour être traduite, tout en étant suffisamment différente de l'uridine pour éviter d'activer le système immunitaire, ce qui constituait un problème sérieux précédemment décrit par  Katalin Karikó (Immunity 2005). De plus, cette modification permettrait une meilleure traduction de l'ARNm. Moderna utilise cette modification chimique dans son vaccin SARS-Cov2. 

Un héritage qui se construit depuis 50 ans

Nahum Sonenberg a consacré plus de 50 ans à l'étude de la biologie de l'ARN, se concentrant sur la traduction de l'ARN, la compréhension du fonctionnement normal des mécanismes, de comment ceux-ci  se dérèglent et de si ces changements peuvent causer des maladies. Son cheminement en lien avec l'ARN débute en 1975 lorsqu'il rapporte dans un article de PNAS que l'ARN, spécifiquement l'ARN ribosomal 23S, est crucial dans le processus de traduction de l'ARNm en protéines en s'associant avec la peptidyl transférase, l'enzyme qui catalyse la réaction pour lier ensemble les acide aminés. En 1976, il rejoint le labo d'Aaron Shatkin, qui, avec Yushiro Furuichi, avait déjà identifié une structure en forme de capuchon à l'une des extrémités de l'ARNm, nécessaire à la synthèse des protéines chez les eucaryotes. Shatkin estima que, puisque Sonenberg avait utilisé des techniques de marquage par affinité au cours de son doctorat, il serait parfaitement apte à découvrir et à identifier les protéines qui se lient à la structure de la coiffe de l'ARNm. D'autres avaient précédemment identifié des protéines qui, selon eux, se liaient à la coiffe de l'ARNm, mais ces rapports se révélèrent plus tard être incorrects. Ceux qui identifièrent correctement les protéines se liant à la coiffe furent Sonenberg et collègues, en 1978, lorsqu'ils démontrèrent également que cette étape de liaison est cruciale afin de démarrer le processus de synthèse protéique. Cette protéine se liant à la coiffe, appelée sous-unité du facteur d'initiation eucaryotique (elF4E), devint partie intégrante de la recherche menée par Sonenberg tout au long de sa vie.

Jerry Pelletier, Ph.D.
Jerry Pelletier, Ph.D.

Arrivée à McGill en 1979

Sonenberg est arrivé à McGill en 1979 et a continué à étudier la traduction de l'ARN. En collaboration avec Jerry Pelletier, il a démontré comment l'ARN du poliovirus, dépourvu de structure en coiffe, est traduit de manière unique. Le laboratoire de recherche de Sonenberg se trouvait au huitième étage du pavillon de recherche médicale McIntyre de McGill et il collaborait étroitement avec ses collègues du Centre de cancérologie McGill à l'étage inférieur. En 1990, Sonenberg a rapporté dans la revue Nature que eIF4E, généralement présent dans la cellule en quantités limitées, lorsqu'il est surexprimé - dans des cellules en culture ou chez la souris - entraîne une prolifération cellulaire accrue et la formation de tumeurs, respectivement. Ce n'est que des décennies plus tard, en travaillant avec des souris modifiées pour avoir une forme de eIF4E qui ne peut pas être phosphorylée, qu'ils ont observé que ces souris étaient résistantes à la formation de tumeurs cancéreuses de la prostate. Lorsqu'ils ont examiné des souris normales, ils ont constaté qu'une phosphorylation accrue de eIF4E entraînait une augmentation ultérieure de la synthèse des protéines impliquées dans la formation de tumeurs. Lorsqu'ils ont observé des humains, ils ont constaté qu'une phosphorylation accrue de eIF4E était corrélée à la progression de la maladie chez les patients atteints d'un cancer de la prostate. Ensemble, ces résultats suggèrent que les médicaments qui inhibent la phosphorylation de eIF4E pourraient agir comme thérapies anticancéreuses.

Sonenberg a identifié une autre famille de protéines qui, lorsqu'elles sont liées à l'eIF4E, interrompent la synthèse des protéines, ou, en d'autres termes, peuvent agir comme des freins pour arrêter la synthèse des protéines. En 1994, il a démontré que ces protéines de liaison à eIF4E, appelées 4E-BP, sont elles-mêmes régulées par différents facteurs, notamment l'insuline. L'insuline a entraîné l'hyperphosphorylation de l'une des 4E-BP, ce qui l'a empêchée de se lier à l'eIF4E, relâchant ainsi le frein et permettant à la synthèse des protéines de se poursuivre. Un complexe de signalisation, mTORC1, phosphoryle également les 4E-BP et s’avère être hyperactif dans divers cancers. En 2010, en utilisant des souris qui n'expriment pas la 4E-BP, Sonenberg a montré que mTORC1 intervient dans la prolifération cellulaire contrôlée par les 4E-BP, ce qui peut conduire au développement d'un cancer.

Mauro Costa-Mattioli, Ph.D.
Mauro Costa-Mattioli, Ph.D.

La découverte du rôle du contrôle de la traduction de l’ARNm 

Lors d’études avec des souris knock-out 4E-BP1 et 4E-BP2, un collaborateur a mentionné qu’il est essentiel de disposer d’une nouvelle synthèse protéique pour que les souvenirs se forment. La question s’est alors posée pour savoir comment ces animaux knock-out se comporteraient dans les études de mémoire et d’apprentissage. Mauro Costa-Mattioli, qui travaillait alors comme post-doctorant avec Sonenberg, était impatient de travailler sur la mémoire et l’apprentissage, malgré les tentatives de Sonenberg de l’en dissuader, puisqu’il est difficile d'apprendre aux souris à mémoriser les labyrinthes et à mesurer la mémoire. Néanmoins, Costa-Mattioli l’a emporté et a choisi d'étudier des souris dont la protéine kinase, GCN2, avait été désactivée. En utilisant ces souris et de nombreux autres types de souris knock-out, ils ont identifié le rôle que le contrôle de la traduction de l’ARNm peut avoir dans la génération de la mémoire et comment la dérégulation de ce contrôle peut jouer un rôle dans les maladies et affections neurologiques, notamment l’autisme.

Thomas Duchaine, Ph.D.
Thomas Duchaine, Ph.D.

Des connaissance qui changent la donne

Le contrôle de la traduction de l'ARNm a suscité un grand intérêt parmi les biologistes et, en 1993, de courtes chaînes d'ARN, ou microARN (miARN), ont été décrites et un rôle pour ces molécules dans la régulation de la traduction via une interaction ARN-ARN antisens fut suggéré. Les miARN ont ensuite été largement utilisés en laboratoire pour réduire l’expression des gènes, mais leur mécanisme d’action restait nébuleux. Un débat animé eut lieu, certains affirmant que les miARN fonctionnent en ciblant l'ARNm pour qu'il soit rapidement dégradé par la machinerie cellulaire, les autres affirmant que les miARN inhibent directement la traduction de l'ARN. En 2007, Sonenberg et Thomas Duchaine ont démontré, à l'aide d'un modèle in vitro de traduction acellulaire, que la traduction de l'ARN était bloquée rapidement, en l'espace de 15 minutes, ce qui est beaucoup trop tôt pour que l'ARN ne soit dégradé.

Dix ans plus tard, ils ont montré qu’une autre protéine de liaison à la coiffe de l’ARNm, 4EHP, contribuait à l’arrêt de la traduction par le miARN. Récemment, Sonenberg a publié que la metformine, un médicament contre le diabète, atténuait les symptômes du syndrome du X fragile dans un modèle murin de la maladie. Il espère que si son efficacité est démontrée dans des études cliniques, le médicament pourra rapidement être utilisé comme traitement de la maladie chez l’humain, car le profil d’innocuité de la metformine est bien établi.

Encore plus à venir
Crédit photo: Owen Egan

Encore plus à venir

Les travaux de Sonenberg visant à comprendre les mécanismes de traduction de l'ARN et la façon dont celle-ci est régulée - à la fois dans des conditions normales et dans des états pathologiques - ont permis d’améliorer notre compréhension de diverses maladies, notamment le cancer, le diabète, l'autisme et le syndrome de l'X fragile. La recherche fondamentale en biologie est importante et constitue la base de la recherche appliquée. Il est essentiel que le public et les organismes de financement comprennent l’importance et la nécessité de la recherche scientifique fondamentale. Lorsque de nouvelles méthodes ou techniques scientifiques sont signalées, comme dans le cas du séquençage de l’ADN, de la PCR ou de la génération de souris knock-out, l’impact est souvent immédiat. En contraste, les progrès de la science fondamentale ont tendance à être appréciés uniquement à plus long terme (des décennies, plusieurs décennies). Ce n’est qu’en comprenant ce qui se passe dans le corps humain que nous pourrons utiliser ces connaissances pour nous aider à traiter les maladies. Dans les faits, nous ne savons que très peu de choses sur ce qui se passe dans notre corps et il reste encore de nombreuses questions sans réponse. Le conseil de Dr Sonenberg à tous les étudiants est le suivant : « Ne désespérez pas, la science est difficile, mais les découvertes sont ce qu'il y a de plus passionnant en sciences ».

Chronologie de l'héritage
du Dr Nahum Sonenberg

1946

Né en Allemagne dans un camp de personnes déplacées (après la Seconde Guerre mondiale).

1948

La famille a émigré à Jaff,
puis s'est installée à Tel Aviv en 1956.

1968

Il a obtenu un diplôme de premier cycle en microbiologie à l'université de Tel Aviv.

1972

Obtient une maîtrise en microbiologie à l'université de Tel Aviv. S'inscrit au programme de doctorat de l'Institut Weizmann dans le laboratoire d'Ada Zamir.

1975

Rapport sur l'implication de l'ARN ribosomal 23S dans l'enzyme peptidyl transférase qui agit pour lier les acides aminés entre eux.

1978

Identification de la protéine eIF4e qui se lie à la structure de la coiffe de l'ARNm et enclenche le processus de traduction, publié dans la revue PNAS.

1988

Identification de la façon dont le virus de la polio, dont l'ARNm n'est pas coiffé d'une structure, est capable de réquisitionner la machinerie cellulaire humaine pour produire de l'ARNm.

1990

La surexpression de la protéine de liaison eIF4e entraîne une prolifération accrue des cellules et la formation de tumeurs chez les souris.

1994

Démontre la présence de protéines qui se lient à eIF4e (4E-BPs) pour interrompre la traduction des protéines et qui peuvent être régulées par l'insuline.

2005

La prolifération de la croissance cellulaire médiée par le complexe mTOR 1, mais pas la croissance cellulaire, est contrôlée par les 4E-BP(v).

2007

La phosphorylation de l'eIF2alpha régule de manière bidirectionnelle le passage de la plasticité synaptique à court terme à la plasticité synaptique à long terme et à la mémoire. Inhibition par les micro-ARN de l'initiation de la traduction in vitro.

2010

Une phosphorylation accrue de eIF4e est associée à la progression de la maladie chez les patients atteints de cancer. Mise en évidence de kinases dans la mémoire et la plasticité synaptique chez les souris knock-out GCN2.

2013

Rapport sur la dysrégulation de l'eIF4e dans l'autisme. Rapport sur le contrôle du rythme circadien par la signalisation mTOR/4E-BP.

2017

Démonstration que la metformine améliore les symptômes du syndrome fragile-X dans un modèle de souris. Démonstration d'un analogue nucléotidique utilisé ultérieurement dans le vaccin ARNm Moderna contre COVID-19.

Découverte d'un biomarqueur du cancer par des chercheurs de l’Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman.

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